Témoignage de Marcel Chabot – Poète, 1889 – 1973

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Discours prononcé par Marcel Chabot pour l’inauguration de l’atelier d’André-Charles Nauleau en avril 1967

Nous sommes heureux de vous voir ici réunis, avec le bouquet fleuri de ces Dames, pour fêter l’entrée du peintre André-Charles Nauleau dans ses meubles.

En effet, nous avons le privilège d’inaugurer l’antre du travail, cet Atelier, où, après avoir Senti, cueilli des impressions fraîches, emporté à la semelle de ses souliers un peu de cette grasse terre qu’il aime, AC.Nauleau repense, restitue le paysage dans toute sa force, sa plénitude, sa vérité végétale et humaine.

Au seuil de cette « mini-présentation », remontons un peu dans le passé : nous voyons sur les routes du Bocage deux hommes, l’un adolescent de 17 ans, André-Charles Nauleau, qui aimait ses paysages harmonieux et tourmentés, tout ce qu’il voulait traduire, le mystère du Bocage, le Bocage heurté, hanté aux puissantes racines, aux frémissantes ramures, le Bocage dramatique.

Son compagnon de 10 ans plus âgé – qui est parmi nous aujourd’hui – partageait avec lui l’attirance pour ce vieux pays plein d’âme : ils avaient tous les deux l’amour du vieux terroir, mais pour l’expérimenter, l’aîné « savait », le plus jeune « cherchait ».

Durant 4 ans ils ont frotté leurs âmes complices d’un même rêve. Et au milieu de vous tous, dans son atelier même le tout jeune d’alors tient à dire à René Robin tout ce dont il lui est redevable. Heureuse et exemplaire fraternité sous le signe du BEAU !

André-Charles Nauleau est poussé irrésistiblement par sa foi dans l’Art, cet Art souverain qui nous console de la vie. Il aime à la fois le tout et l’objet que, fidèle, il nous restitue, mais sensibilisé, enrichi ; un bois devient pour lui des arbres qui frissonnent, il s’imprègne de l’atmosphère, il traduit l’âme du pays, et mérite l’appréciation de René Robin, AC.Nauleau est le meilleur traducteur du paysage vendéen.

Bouillant, fougueux, il va d’instinct au principal, il l’éclaire, il le choie, il en fait la parole magique de l’œuvre. Il va, s’enfonce, on pourrait dire qu’il fonce dans le paysage heureux et dionysiaque. Le tableau se hérisse ou se ramollit… comme le paysage. Toujours le sol, le ciel et l’homme se répondent. Il aime son Bocage, il le palpe, il s’enfonce dans son mystère. Mais il est en communion avec toute sa Vendée, si multiple et si riche.
Il aime et comprend aussi profondément le Marais émouvant.

Voyez-le : Feutre au vent
Le feutre collé, l’œil au guet,
Humant l’humus buvant le vent,
La vie émouvante
Changeante en tous ses tons et dans tous ses échos,
André-Charles Nauleau hérissé de pinceaux,
Armé de toutes ses antennes,
Là-bas décroît à chaque pas dans les charrauds,
La pensée en bataille, errante
Ou flottante sur le Marais,
Le vaste Marais vert perlé de tous les gris
Que font chanter les tamaris,
Ce Marais que rabroue, rebrousse ou râpe le grand vent.
Chasseur de beaux instants il cerne un coin de vie,
Flaire le vent que lancent les célestes frondes,
Suit son envol fougueux jusqu’au-dessus des ondes,
Le saisit au passage
Dans les résilles des branchages,
Sur le sol ras tout glougloutant de rêves,
Et sur la toile où s’essaie à naître un jour neuf
Dans un gris doux de féerie
Qui l’engloutit
On entend le grand vent victorieux qui vole
Et crie…
Ou s’assagit dans un coin bleu de poésie…

Toute la Vendée, Ami, est votre domaine. Vous êtes tout imprégné d’elle. Vous nous faites sentir le calme nerveux de ses maisons, mais aussi au-dessus d’elles les noires menaces de l’orage des jours.

Vous avez facilement le style orageux, mais aussi le style dépouillé, simplifié jusqu’à l’uni. Vous faites chanter les couleurs, mais vous aimez aussi les mille nuances des chuchotis. Vous êtes le confident des choses de chez nous.

Nous sommes sûrs que nous, vos amis, nous tous nous serons les bonnes fées penchées sur la naissance de votre accueillant et remarquable Atelier, où vous élaborez des œuvres de choix que nous aurons toujours grand joie à saluer.

Mais c’est une double fête car vous êtes aujourd’hui même, André-Charles Nauleau un jeune de 59 printemps : l’Atelier bien que comblé, frissonne déjà des belles œuvres attendues, et, vous, vous rayonnerez de votre éternelle jeunesse de cœur.

 

poème de Marcel Chabot

Poème écrit par Marcel Chabot pour André-Charles Nauleau